Prévenir le risque de chute à la mer, c'est avant tout chercher à éviter que l'accident se produise. Pour y parvenir, il faut identifier les facteurs qui, dans les situations de travail, augmentent le risque de chute par-dessus bord et mettre en place des mesures de prévention collective et individuelle pour les réduire.

Les chutes à la mer et leurs conséquences dans le secteur maritime

La chute à la mer est la première cause de décès chez les marins professionnels

Entre 2011 et 2020 (chiffres IMP), tous secteurs maritimes confondus, 96 marins professionnels sont décédés pendant leur activité. Parmi eux, 26 ont péri suite à une chute à la mer.

Répartition des décès suite à une chute à la mer selon le secteur maritime

C'est dans le secteur des pêches maritimes que le nombre de marins professionnels décédés suite à une chute à la mer est le plus important.

Circonstances les plus fréquentes des chutes à la mer selon le secteur maritime

Pêches maritimes

Les chutes à la mer surviennent principalement à bord des navires de moins de 12 m, pratiquant la drague et le casier/nasse lors des phases d'embarquement/débarquement des marins ainsi qu'au moment du filage de l'engin de pêche.

Commerce

Les chutes à la mer surviennent principalement à bord des navires ou des activités portuaires lors des phases d'embarquement/débarquement des marins ainsi que des manœuvres d'accostage et d'appareillage.

Cultures marines

C'est l'ostréiculture qui est l'activité la plus concernée par les chutes à la mer dans le secteur des cultures marines, principalement lorsque le navire est en route.

Les facteurs de risque qui augmentent le risque de chute à la mer et les mesures de prévention associées

1. Travailler à proximité d'un pavois trop bas

De quoi parle-t-on ?

Ce facteur de risque existe principalement sur les petits navires où, souvent, le pavois ne dépasse pas 75 cm et peut même descendre jusqu’à 60 cm sur certains navires âgés. Bien que conformes à la réglementation concernant la sécurité des navires, ces hauteurs sont insuffisantes pour garantir aux marins d’être maintenus à bord. En cas de déséquilibre, elles ne les empêcheront pas de basculer par-dessus bord.

Ce facteur de risque est encore plus évident dans les situations où il n’existe pas de protection périphérique. Ces situations de travail peuvent être ponctuelles et liées à l’exécution d’une tâche précise ; par exemple, la mise en place d’une coupée. Elles peuvent aussi être permanentes à bord de certains navires où l’installation d’une barrière n’est pas envisageable ; par exemple, certaines barges mytilicoles dont les conteneurs doivent pouvoir tomber dans l’eau en cas de ripage.

Comment réduire le risque ?

Pour être efficaces, les protections contre la chute à la mer doivent mesurer au moins 1 m de haut, quelle que soit la catégorie de navire. Deux références justifient cette hauteur : les règles définies par le code du travail pour prévenir les chutes de hauteur à terre (garde-corps placés à une hauteur comprise entre 1,00 m et 1,10 m) et les exigences les plus élevées de la réglementation concernant la sécurité des navires en matière de lutte contre la chute à la mer.

La protection peut être constituée d’un pavois, de batayoles ou d’une combinaison des deux (pavois surmonté d’une main-courante). Elle est de préférence fixe, mais peut également être amovible ou articulée (portillon) pour tenir compte de certaines situations de travail : embarquement / débarquement de matériel, déplacements des marins entre le bord et le quai… elle est de préférence rigide, mais peut être souple (câble, chaîne) dès lors qu’elle reste à une hauteur satisfaisante et qu’elle est convenablement tendue.

2. Travailler en surélévation

Cas de figure n°1 : un espace de travail encombré

Le long du bord, les espaces de travail et de circulation sont parfois encombrés, le plus souvent par du matériel. Pour exécuter certaines tâches, les marins peuvent être contraints de monter dessus. La hauteur de la protection normalement assurée par le pavois ou la batayole est alors réduite d’autant.

Cas de figure n°2 : une tâche hors d’atteinte

Le long du bord, certaines tâches ne peuvent pas être effectuées en gardant les pieds à plat pont ; par exemple, atteindre un élément de l’engin de pêche ou encore voir quelque chose sur le quai en contrebas. Dans ces cas, les marins doivent trouver des appuis surélevés. 

Comment réduire le risque ?

Il n’existe pas de solution unique pour permettre aux marins de garder les pieds à plat pont en toutes circonstances lorsqu’ils travaillent à côté du pavois. Chaque situation à risque identifiée réclame une solution originale qui n’est pas forcément transférable d’un navire à l’autre.

À bord de ce chalutier, des rallonges en chaîne ont été ajoutées sur le gréement pour faciliter le maillage / démaillage des bras du chalut. Ces dispositifs simples ont un impact positif sur la prévention du risque de chute par-dessus bord car ils réduisent ou suppriment la nécessité de prendre appui sur un marchepied pendant ces opérations.

Sur ce fileyeur, un marin est exposé à un risque de chute à la mer lorsqu’il grimpe sur la rampe de filage des lests pour les mailler sur la filière. Dans ce cas, la mise en place d’un va-et-vient (bout de liaison) entre le parc à filet et les lests permettra d’éliminer cette situation dangereuse. Le marin pourra en effet, garder les pieds à plat pont pour effectuer sa tâche.

3. Travailler penché par-dessus bord

De quoi parle-t-on ?

Travailler penché par-dessus une protection périphérique contre les chutes à la mer constitue un facteur de risque. En effet, une partie du corps est engagée à l’extérieur du navire ce qui peut faciliter un basculement. Les situations de travail penché par-dessus bord ont une cause principale déjà identifiée pour le facteur de risque précédent : le travail en surélévation à cause d’une tâche hors d’atteinte.

Comment réduire le risque ?

Il n’existe pas de solution unique pour permettre aux marins de garder les pieds à plat pont en toutes circonstances lorsqu’ils travaillent à côté du pavois. Chaque situation à risque identifiée réclame une solution originale qui n’est pas forcément transférable d’un navire à l’autre. À titre d’exemple, concernant le virage des casiers, on peut citer l’impact positif des vires-casiers automatiques qui sont installés sur de nombreux caseyeurs. Par rapport aux vires-casiers à potence, ces dispositifs composés d’un vireur et d’un rouleau de lisse suppriment le travail penché par-dessus bord et contribuent donc à réduire le risque de chute à la mer.

4. Être entraîné par-dessus bord

Par définition, ce facteur de risque concerne essentiellement les navires de pêche, notamment ceux qui pratiquent les arts dormants : filet, mais surtout casier ou nasse. Dans ces métiers, les interactions avec l’engin de pêche au filage constituent la principale cause d’un type particulier de chute à la mer ; celle où, pendant le filage, le marin est accroché par l’engin de pêche et entraîné par-dessus bord. Ces accidents résultent de deux formes d’interactions :

Les interactions volontaires

On peut citer par exemple, les interventions manuelles lors du filage des filets : pour éviter que des paquets se forment (ce qui nuirait à la capacité de pêche du filet), les marins peuvent les saisir "à la volée" pour que le paquet se démêle automatiquement.

Les interactions involontaires

Elles sont provoquées par la proximité directe entre un marin et un engin de pêche au filage. Par exemple, pendant le filage manuel des casiers, le pied peut être accroché par une boucle d’orin alors que le marin et l’engin de pêche occupent simultanément un même espace.

Comment réduire le risque ?

À bord des navires de pêche qui pratiquent les arts dormants, notamment le filet ou le casier, la suppression des interactions entre le marin et l’engin de pêche au filage est un enjeu crucial pour la prévention des chutes à la mer. Cet objectif peut être atteint de deux façons.

La première, en séparant physiquement les zones d’évolution des marins et de l’engin de pêche ; par exemple, la mise en place de parcs à filets à bord des fileyeurs, ou encore l’installation d’une ou plusieurs planches de parc permettent de canaliser l’orin sur les caseyeurs où les casiers sont débordés manuellement.

La seconde, en proscrivant les interventions directes sur un engin de pêche au filage, ce qui est obtenu sur les caseyeurs à filage automatique, équipés d’un plat bord arrière ouvert ou d’une rampe de filage.

Règle de prévention complémentaire : être accroché à bord

S’il n’est pas possible d’envisager une protection collective contre la chute à la mer, il faut mettre à disposition du marin exposé un EPI (équipement de protection individuelle) contre la chute par-dessus bord. Pour le moment cette solution est assez peu répandue sur les navires de pêche. Elle est nettement plus courante sur les navires de commerce et mérite d’être mise en œuvre dans certaines situations de travail.

EPI pour l’arrêt de chute

Il permet à un utilisateur d’atteindre des zones où il existe un risque de chute. Si celle-ci survient, l’EPi stoppe la chute et assure la suspension de l’utilisateur. Il se compose d’un harnais antichute relié à un point d’ancrage par une longe à absorption d’énergie.

EPI pour la retenue :

il limite les mouvements de l’utilisateur afin de l’empêcher d’atteindre des zones où une chute peut se produire. Il n’arrête pas une chute de hauteur et ne doit pas être confondu avec un EPi d’arrêt de chute. il se compose d’un harnais antichute relié à un point d’ancrage par une longe fixe.

EPI pour le maintien au poste de travail :

il permet à un utilisateur de travailler en appui ou en suspension et ne pas tomber en contrebas de la zone où il travaille. Il se compose d’un harnais antichute relié à un point d’ancrage par une longe de longueur ajustable et en complément d’une longe à absorption d’énergie.

Harnais + sauvegarde :

Certains EPI contre le risque de noyade sont équipés d’une boucle de harnais de sécurité sur laquelle une “sauvegarde” (longe fixe ou élastique) peut être attachée et reliée à un point d’ancrage. Ces dispositifs sont prévus pour maintenir un lien entre le navire et le marin si celui-ci glisse par-dessus bord. En aucun cas, ils ne doivent être portés en cas d’exposition à un risque de chute verticale.

Voir aussi