PRÉVENIR LES ACCIDENTS À BORD DES DRAGUEURS-COQUILLIERS

L'accidentologie à bord des navires pratiquant la pêche à la coquille Saint-Jacques montre un nombre important d’accidents, dont certains très graves. Cela nous a conduit à effectuer une étude afin d'identifier les risques principaux liés au métier ainsi que des mesures de préventions spécifiques. Cette étude s’adresse principalement à l’employeur, qui sur les dragueurs-coquilliers est généralement le patron du navire, sur lequel pèse la responsabilité (civile ou pénale) de la santé et de la sécurité des marins. Cette obligation est une obligation de résultat, ce qui signifie que les actions prises pour empêcher les risques doivent être pertinentes et adaptées.

Article L4121-1 du Code du Travail : «L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels (…), des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.»

Je m'inplique dans l'amélioration de la sécurité à bord

Le secteur des pêches maritimes génère un nombre d’accidents élevé. Il est de ce fait considéré à haut risque professionnel. Il importe donc à chaque patron d’être attentif aux problématiques liées à la sécurité de son navire mais également au travail effectué par ses marins.

À bord des dragueurs-coquilliers, les risques sont multiples et permanents : manutention de charges lourdes, utilisation d’apparaux de traction, postures pénibles… Prévenir les risques est par conséquent non seulement obligatoire mais indispensable pour le bon fonctionnement du navire. Le patron doit être celui qui met en œuvre et fait vivre la démarche de prévention à bord du navire. Celle-ci commence par l’évaluation des risques professionnels qui est basée sur l’analyse de l’activité des marins. Un plan d’action pour prévenir les risques identifiés est ensuite mis en oeuvre. C’est le Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER). À la pêche, le DUER est trop souvent perçu uniquement comme une contrainte réglementaire dont le seul intérêt est d’être administrativement en règle en cas de contrôle ou d’accident. Il doit au contraire être réalisé dans le but d’améliorer les conditions de travail à bord du navire. 

Quelques règles essentielles vont permettre d’atteindre cet objectif. 

Je supprime les risques de chute à la mer

Les situations de travail exposant les marins à un risque de chute à la mer sont fréquemment observées sur les navires pratiquant la pêche à la coquille Saint-Jacques.

Le risque de chute par-dessus bord est présent à différents moments lors de l’intervention sur les engins de pêche.

Les matelots sont amenés à travailler en surélévation (sur le tas de coquilles ou sur le bâton de drague) et également à se pencher par-dessus bord principalement pour larguer le rapporteur du bâton de cul sur les dragues anglaises, récupérer la patte d'oie reliée à la barre de fond sur les dragues bretonnes.

Des solutions techniques doivent être étudiées afin de permettre un embarquement sécurisé des dragues même en situation dégradée. L’utilisation d’un croc pouvant passer par la poulie du mât de charge ainsi que l’aménagement d’une “lisse roulante” permettront d’éliminer le risque de chute à la mer

J'évalue les forces qui s'appliquent sur le gréement

À la drague, les charges manutentionnées sont lourdes et les contraintes qui s’appliquent sur les éléments du gréement sont importantes. 

Avant toute intervention, le patron doit s’assurer que tous les éléments du gréement sont correctement dimensionnés pour une utilisation en toute sécurité. Cela implique de prévoir la possibilité d’une utilisation inadaptée comme une surcharge accidentelle, la défaillance d’une pièce, un événement extérieur. Pour cela, un coefficient de sécurité s’applique sur tous les équipements de levage et de manutention à bord du navire. 

Le patron doit donc connaître parfaitement les forces qui s’y appliquent afin de pouvoir dimensionner correctement câble,manille, piton, poulie… 

Le conseil auprès de personnes ou de structures compétentes peut être nécessaire car cet exercice complexe implique la prise en compte de nombreux paramètres : le poids maximum de la drague (dans l’eau et hors de l’eau), la vitesse du navire lors du dragage, le cas d’une croche ou d’une surcharge ponctuelle, les valeurs des angles de traction, la connaissance des efforts (transversaux ou torsion), la présence d'à-coups provenant des mouvements du navire ou de l’utilisation de poupées...

Je m'assure de la qualité de mes soudures

Les soudures effectuées sur les gréements à bord du navire sont des assemblages très sensibles qu’il faut correctement dimensionner mais aussi parfaitement exécuter et régulièrement contrôler.

Le dimensionnement

Cela nécessite de savoir évaluer précisément les forces qui s’appliqueront ainsi que les contraintes éventuelles telles que les angles de traction, les à-coups….

La réalisation

Le calcul permettant le dimensionnement doit être associé à une parfaite réalisation. La meilleure façon de s’assurer de la qualité de la soudure est de la réaliser conformément aux exigences attendues.

Pour ce faire, le choix d’un soudeur agréé certifie le respect des règles de l’art, c’est à dire : 

Le contrôle

Les soudures doivent ensuite faire l’objet d’un suivi strict et régulier. En effet, l’air salin, les mouvements du navire, les chocs… vont les dégrader de façon importante. La mise en place de contrôles va permettre de détecter toute détérioration

Attention à ne pas confondre taille de la soudure et résistance. Un cordon de soudure de qualité est un cordon régulier, lisse et exempt d'inclusion, avec une largeur et une épaisseur constante, avec des stries rapprochées les unes des autres et avec des côtés bien fusionnés au métal de base.

Je contrôle les apparaux de levage et de traction

Il est de la responsabilité de l’employeur, dans le cadre de son obligation générale de sécurité, de vérifier périodiquement les apparaux de levage (treuils, enrouleurs…) ainsi que les accessoires (câbles, poulies de renvoi, manilles, crocs, pitons soudés ou vissés…). 

Ce contrôle nécessite un certain nombre de connaissances et compétences. Il doit donc être réalisé par une personne qualifiée qui peut être un membre d’équipage formé spécifiquement. 

Avant le début de la saison, un contrôle minutieux des équipements suivants doit être effectué : 

Au cours de la saison, il est indispensable de surveiller régulièrement à la détérioration du matériel (une usure, une déformation, une oxydation constituent des alertes).

Je protège mes marins des risques d'engagement

Sur les petits navires où l’espace est restreint, les treuils présentent des risques élevés d’engagement, c’est à dire, pour le marin, d’être happé par les parties mobiles. Ce type de situation génère des accidents très graves. 

Le positionnement des treuils doit être soigneusement étudié afin d’éviter ou de minimiser ce risque d’engagement. 

Il est toujours possible, quelque soit le treuil ou le montage, de protéger les marins de ce risque en empêchant physiquement l’accès aux parties mobiles (enrouleur ou transmission). La mise en place de carters, fixes ou mobiles, n’entrave pas le fonctionnement normal du treuil. 

Par ailleurs, un ou plusieurs boutons coup de poing correctement positionnés permettront d'arrêter le virage ou le filage par le treuilliste ou un autre marin en cas d’urgence. 

Attention à l’utilisation des “poupées” qui exposent fortement l’opérateur au risque d’engagement.

Je maîtrise les risques de ripage de crocs

Les crocs utilisés sur les palans et les vérines sont souvent des crocs ouverts, sans protection contre les risques de ripage ou de largage accidentel.  

Ce danger expose les marins à plusieurs risques :

L’utilisation de crocs à linguet ou de crocs à verrouillage automatique vont complètement supprimer ce risque.

Je définis une procédure claire de virage/filage

Les manœuvres de virage/filage sont sur les dragueurs-coquilliers les phases de travail les plus accidentogènes. 

Il est donc indispensable de définir pour cette phase de travail une procédure claire, détaillée, parfaitement assimilée et respectée par les membres d’équipage. De plus, un code de communication simple doit être adapté pour chaque étape de cette phase de travail et en cas d’incident. 

Attention, toute modification (qu'elle soit matérielle, technique ou organisationnelle) doit être accompagnée nécessairement d’une information aux marins.

J'équipe mes marins face aux risques

Il est de la responsabilité de l’employeur, suite à l’évaluation des risques, de choisir (en concertation avec l’équipage), de fournir et d’entretenir les équipements de protection individuelle (EPI) adaptés. Il doit également veiller à leur port. 

Sur les navires pratiquant la pêche à la coquille Saint-Jacques, plusieurs situations de travail nécessitent l'utilisation par les marins d’EPI spécifiques. 

Le casque : 

La manutention des dragues expose les marins à des risques importants de choc à la tête. Le port du casque lors de ces phases de travail doit donc être imposé. 

Les bottes et les gants : 

Afin d’éviter les blessures aux mains et aux pieds, il faut porter des gants et des bottes de protection lors des manutentions et phases de tri des coquilles.

L'EPI contre le risque de noyade : 

Le port de cet équipement ne dépend pas uniquement de l’évaluation des risques. Il est imposé par la réglementation (Article 9 du décret 2007-1227). “Son port est obligatoire en cas d’exposition au risque de chute à la mer et notamment lors des opérations de pêche, en cas de travail de nuit, en absence de visibilité, en cas de circonstances météorologiques dé- favorables, lors des trajets en annexe ainsi que lors de toutes circonstances le justifiant dont le capitaine est le seul juge.”

J'entraîne mon équipage aux situations d'urgence

Les situations d’urgence telles que l’abordage, l’incendie ou le naufrage, menacent directement la vie des marins et l’intégrité du navire. Être entraîné à faire face à de tels événements permet de sauver des vies. 

La pratique régulière d’exercices permet aux marins d’être formés et préparés aux diverses situations pouvant se présenter. C’est d’autant plus nécessaire que, sur ces navires, l’équipage est réduit. Chaque marin doit donc à tout moment savoir comment réagir, où trouver le matériel de secours et comment donner l'alarme.

Pour aider les marins, des fiches procédures d’urgence, reprenant d’une manière claire et simplifiée les dispositifs de sécurité, doivent être disponibles en passerelle. Tous les marins doivent en prendre connaissance en embarquant et participer, à l’initiative du patron, à des entraînements réguliers. Ceux-ci permettront également de se rendre compte d’autres difficultés liées à ces situations d’urgence comme la remontée à bord du navire lors d’exercices de récupération de l’homme à la mer.

Les rapports d’accident du BEAmer font régulièrement apparaître une mise en oeuvre inappropriée de l’alerte de détresse, une mauvaise maîtrise, consécutive au stress, de l’abandon et le manque de préparation des équipages aux situations d’urgence en cas de naufrage. 

Je sensibilise mes marins à la sécurité

La période de pêche à la coquille Saint-Jacques nécessite souvent l’embarquement de nouveaux marins pour pallier l’augmentation de l’activité à bord. Ceux-ci sont plus “à risque” et doivent faire l’objet d’une attention particulière. En effet, les accidents ont souvent pour origine la méconnaissance du travail et des risques. 

Le patron doit donc, dans le cadre de son obligation générale de sécurité, sensibiliser et informer les marins sur les risques présents à bord et les mesures de prévention prises pour les maîtriser. Cette information s’adresse à tous les marins. Elle est particulièrement importante pour les nouveaux embauchés.

Il est indispensable : 

Publication associée

IMP2018 - Prévenir les accidents à bord des dragueurs coquilliers de la baie de Saint-Brieuc.pdf
Brochure 16 pages - PDF