L’amiante à bord des navires : réglementation et risques professionnels
SOMMAIRE
Les statistiques des maladies professionnelles en 2021
Le tableau suivant répertorie les « nouveaux » cas de maladies professionnelles reconnus par l’Enim au cours de l’année 2021. Ces maladies peuvent trouver leur origine dans des expositions professionnelles parfois anciennes.
Comme observé depuis un certain nombre d'années, la majorité des maladies professionnelles sont de type trouble musculo-squelettique (TMS) et dorsalgie. Viennent ensuite les maladies liées à l'exposition à l'amiante.
Celles-ci touchent avant tout les 55 ans et + ; c'est-à-dire une tranche d'âge de marins retraités le plus souvent. Dans le secteur maritime c’est aussi la première cause de mortalité d’origine professionnelle.
Compte tenu de sa gravité potentielle, l’exposition à l’amiante reste donc un risque majeur. En effet l’amiante (ou toutes les variétés d’amiante) a un caractère cancérigène avéré certain.
Les risques liés à l’inhalation de fibres d’amiante sont maintenant bien connus (cancers, asbestose, atteintes pleurales) et ont conduit à un renforcement de la réglementation dans le secteur maritime visant :
d’une part, à protéger les marins des navires contenant des matériaux à base d’amiante dont la dégradation est susceptible de les exposer à l’inhalation de ces fibres,
d’autre part, de protéger les travailleurs d’entreprises extérieures intervenantes à bord du navire susceptibles d’être exposés, par leur activité professionnelle, à l’inhalation de fibres d’amiante.
La réglementation impose notamment aux armateurs des obligations de repérage, d’information et de suivi.
Les obligations réglementaires
Elles visent à prévenir les expositions passives à travers le DTA et l’exposition de travailleurs extérieurs intervenant à bord du navire à travers le RAT.
Le DTA : Diagnostic Technique Amiante à bord des navires
Afin de prévenir les risques liés à l’amiante à bord des navires , le décret n°98-332 d’avril 1998 a dans un premier temps obligé les armateurs à constituer un dossier technique relatif à l’amiante. Celui-ci imposait la recherche d’amiante dans uniquement 3 matériaux : les calorifugeages, les flocages et les faux-plafonds.
Il a été remplacé depuis octobre 2017 par le décret 2017-1442. Ce nouveau décret concerne les navires de pêche, de commerce et conchylicoles construits en :
France avant le 01/01/1997,
Nouvelle Calédonie avant le 01/03/2007,
Polynésie Française avant le 01/01/2009,
Union Européenne avant le 01/01/2005,
dehors de l’UE, quelle que soit la date.
Il oblige l’armateur à :
faire procéder à un repérage de l’amiante à bord (contrôles non destructifs) par un organisme accrédité par le COFRAC ;
constituer un dossier et le tenir à jour ;
mettre en oeuvre les recommandations du rapport de repérage ;
transmettre le dossier au SSGM et le mettre à disposition de l’équipage et de l’inspection du travail ainsi qu’à toute personne ou entreprise appelée à effectuer des travaux à bord.
En cas de présence avérée d’amiante à bord du navire, l’organisme accrédité :
effectue un repérage clair du matériel contenant de l’amiante (autocollant) ;
évalue son état de conservation ;
effectue des recommandations (surveillance régulière, mesures d'empoussièrement, encapsulage, retrait).
Attention, le DAT ne garantit pas l’absence d’amiante à bord du navire et n’exonère aucunement l’armateur au repérage avant travaux.
Le RAT : Repérage Avant Travaux à bord des navires
L'arrêté du 19 juin 2019, qui vient en complément du DTA, rend obligatoire le repérage amiante avant tous les travaux à bord des navires construits avant les dates d’interdiction de l’amiante.
Le repérage avant travaux est :
effectué avant le début des travaux ;
effectué par un opérateur de repérage qualifié ;
un contrôle destructif (sondages sur le périmètre des travaux) ;
Le rapport doit être transmis à toutes les entreprises intervenantes, il conclut de manière certaine à l’absence ou à la présence d’amiante dans la zone des travaux.
Les sanctions à l’égard de l’armateur
La réglementation a pour objectif de protéger la santé des marins et des travailleurs susceptibles d’intervenir à bord du navire. Dès lors que l’armateur respecte cette réglementation (DTA et RAT), sa responsabilité pénale en cas d’exposition accidentelle ne pourra être engagée.
L’amiante à bord des navires
L’amiante s’est révélée être l’une des matières les plus nocives de l’histoire moderne de la santé au travail. Elle se désagrège très facilement en fibres microscopiques qui, si elles sont inhalées, peuvent provoquer des tumeurs malignes de la plèvre et du péritoine (mésothéliome), le cancer du poumon et l’asbestose.
Bien que son utilisation soit interdite en France depuis 1997, l’amiante n’a pas encore disparu ni des structures terrestres ni des navires. Il est donc important pour les armateurs de complètement maîtriser ce risque.
L’interdiction de l’utilisation de l’amiante
En 1997, la France à l’instar de 7 autres pays européens (Allemagne, Italie, Danemark, Suède, Pays-Bas, Norvège et Suisse) bannit l’amiante en interdisant toute fabrication, importation ou commercialisation de ce matériau.
Si la France a interdit tardivement l’amiante, la totalité de l’Union Européenne n’en a banni tout usage qu’en 2005.
Qu’est ce que l'amiante ?
Le terme “amiante” regroupe toute une série de minéraux fibreux. Ces minéraux forment des gisements dans certaines roches et les mines sont encore exploitées commercialement dans certains pays. C’est donc un produit complètement naturel, minéral.
Les caractéristiques de l’amiante en ont fait une matière très largement utilisée :
résistance au feu et à la chaleur,
faible conductivité thermique, acoustique et électrique,
résistance à la traction, la flexion et à l’usure,
résistance aux agressions chimiques,
grande élasticité,
aptitude à être tissé,
faible coût
Il existe 6 variétés d'amiante dont 3 principales : la chrysotile, la crocidolite et l’amosite.
Quelques chiffres :
1 gramme d’amiante contient environ 1 milliard de fibres.
le diamètre d’une fibre d’amiante est compris entre 0,1 et 0,5 micromètre.
le diamètre d’un cheveu est de 75 micromètres. La fibre d'amiante est donc de 200 à 800 fois moins épaisse qu’un cheveu. Elles sont donc invisibles…. et inodores.
L’amiante est un agent chimique dangereux classé CMR (Cancérogène, Mutagène et/ou Reprotoxique) Son risque doit être évalué dans le cadre de l’évaluation des risques professionnels et de sa traduction dans le DUERP
En quoi cela concerne le maritime ?
Au même titre que les immeubles bâtis, les navires de pêche ou de commerce construits en France avant 1997 sont susceptibles de contenir de l’amiante.
Celle-ci peut se présenter sous de multiples formes :
en fibres en vrac (flocage),
en plaque (plaque de faux-plafonds, joint),
tressée (tresse, presse-étoupe),
incorporée (avec du ciment, avec des résines, des peintures).
Les éléments pouvant contenir de l’amiante à bord d’un navire vont principalement se concentrer en machine mais on peut en retrouver dans de nombreuses autres parties du navire :
calorifuges, tissus, matelas,
tresses d’étanchéité,
joints plans ou spiralés,
peintures sur les navires,
bétons réfractaires de chaudières ou d’incinérateurs,
pâtes à joint,
douilles de palier de mèche ou de ligne d’arbre,
garnitures de friction sur les freins des guindeaux, de treuils, de bossoirs,
plaques, support de matériels électriques dans les tableaux,
passe-câbles électriques,
chapes classées coupe-feu,
dalles de revêtement de sol en vinyl-amiante,
colles ou mastics,
cloisons, certains faux-plafonds.
Pourquoi c’est dangereux ?
Les fibres d'amiante sont constituées de faisceaux de fibrilles qui se séparent très facilement sous l'effet d'usinages, de chocs, de frottements... pour former un nuage de poussières très fines, souvent invisibles à l'œil nu.
La dimension des fibres est déterminante pour évaluer leurs effets sur la santé :
plus une particule est petite, plus elle peut pénétrer profondément dans l'appareil respiratoire ;
plus les fibres sont longues et fines, plus l'organisme a des difficultés à les éliminer, et plus elles sont dangereuses.
Les fibres d’amiante, très fines, ne sont pas filtrées par notre système respiratoire. Ces fibres parviennent aux alvéoles pulmonaires.
Maladies en lien avec une exposition à l'amiante
Les cancers
Les principaux cancers liés à une exposition à l'amiante sont :
le cancer du poumon, première cause de mortalité des sujets exposés à l'amiante, risque encore accru par une exposition combinée à la fumée de tabac,
le mésothéliome, cancer touchant essentiellement la plèvre (membrane entourant les poumons) mais aussi le péritoine (membranes entourant les viscères) et le péricarde (membrane entourant le cœur).
Le cancer du poumon et le mésothéliome sont des pathologies progressives et peuvent se manifester avec un temps de latence de 20 à 40 ans, voire plus.
Autres pathologies
L’inhalation de fibres d’amiante peut entraîner d’autres pathologies de la plèvre et pulmonaires non cancéreuses comme :
l’asbestose, maladie typique d’une exposition prolongée à l’amiante. L’asbestose résulte d’une réaction du tissu pulmonaire vis-à-vis des fibres respirées. Cette réaction se traduit par une sclérose du tissu, aussi appelée fibrose pulmonaire, qui réduit les capacités respiratoires et peut, dans les cas les plus graves, entraîner une insuffisance respiratoire. Le risque et la gravité de l’asbestose dépendent de la durée et du niveau d’exposition à l’amiante ;
des plaques pleurales : lésion ou fibrose d’une plage circonscrite du tissu pleural. Ce sont des lésions non cancéreuses, généralement asymptomatiques considérées comme un marqueur d’exposition passée à l’amiante ;
des pleurésies et des fibroses (ou épaississements) pleurales, qui peuvent provoquer douleurs thoraciques, toux et gêne respiratoire.
Quand est-ce que c’est dangereux ?
Le risque amiante, c’est l’émission de fibres potentiellement respirables par les marins.
L’émission de fibres peut provenir :
d’une intervention sur un calorifuge,
d’un retrait de joint de bride,
du remplacement de mâchoire de freins,
du perçage de sangle de frein de guindeaux…
Cadre réglementaire
Code des transports (article L.5545-9)
Code de la santé publique (article R.1334-24 et suivants notamment)
Code du travail (article L.4412-1 notamment)
Décret n°2000-564 du 16 juin 2000 relatif à la protection des marins contre les risques liés à l’inhalation des poussières d’amiante (publié au JO le 24/06/2000)
Décret n°2017-1442 du 3 octobre 2017 relatif à la prévention des risques liés à l’amiante à bord des navires (publié au JO le 5 octobre 2017)
Arrêté du 20 décembre 2017 relatif au modèle-type de la grille d'évaluation et au contenu du rapport de repérage prévus à l'article 4 du décret n° 2017-1442.
Arrêté du 08 janvier 2018 relatif aux repérages à réaliser par un organisme accrédité COFRAC
Arrêté du 19 juin 2019 relatif au repérage amiante avant tous les travaux à bord des navires construits avant les dates d’interdiction de l’amiante.
articles R.4412-97 à R.4412-97-6 du code du travail,
norme NFX 46-101 janvier 2019 - Repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante dans les navires, bateaux et autres constructions flottantes,
décret n°2017-899 du 9 mai 2017 relatif au repérage de l’amiante avant certaines opérations.
Ressources associées
Dossier technique de prévention
Les informations contenues dans ce dossier web sont disponibles au téléchargement sous forme d'un document PDF de 8 pages au format A4.